Les soignants d’un service de gériatrie ont retrouvé cette lettre sous son oreiller après son décès :
Que vois-tu, toi qui me soigne, que vois-tu ?
Quand tu me regardes, que penses-tu ?
Une vieille femme grincheuse, un peu folle, le regard perdu, qui bave quand elle mange et ne répond jamais quand tu dis d’une voix forte « essayez » et qui semble ne prêter aucune attention à ce qu’elle fait …
Qui docile ou non, te laisse faire à ta guise, le bain et les repas pour occuper la longue journée. C’est cela que tu penses, c’est ça que tu vois ?
Alors ouvre les yeux, ce n’est pas moi.
Je vais te dire qui je suis, assise là, tranquille, me déplaçant à ton ordre, mangeant quand tu veux …
Je suis la dernière des dix, avec un père, une mère; des frères, des sœurs qui s’aiment entre eux …
Une jeune fille de seize ans, des ailes aux pieds, rêvant que bientôt elle rencontrera un fiancé …
Déjà vingt ans, mon cœur bondit de joie au souvenir des vœux que j’ai fait ce jour-là …
J’ai vingt-cinq ans maintenant et un enfant à moi, qui a besoin de moi, pour lui construire une maison …
Une femme de trente ans, mon enfant grandit vite; nous sommes liés l’un à l’autre par des liens qui dureront …
Quarante ans, bientôt il ne sera plus là, mais mon homme est à mes cotés et veille sur moi …
Cinquante ans, de nouveau jouent autour de moi des bébés. Nous revoilà avec des enfants, moi et mon bien-aimé …
Voici les jours noirs, mon mari meurt. Je regarde vers le futur en frémissant de peur car mes enfants sont très occupés pour élever les leurs et je pense aux années et à l’amour que j’ai connus.
Je suis vieille maintenant et la vie est cruelle et elle s’amuse à faire passer la vieille pour folle …
Mon corps s’en va.
Grâce et forme m’abandonnent. Et il y a une pierre là où jadis il y avait un cœur …
Mais dans cette vieille carcasse, la jeune fille demeure. Le vieux cœur se gonfle sans relâche.
Je me souviens des joies et des peines. Et à nouveau je revis ma vie et j’aime …
Je repense aux années trop courtes et trop vite passées et accepte cette réalité implacable.
Alors, ouvre les yeux, toi qui me regarde et qui me soigne …
Ce n’est pas la vieille femme grincheuse que tu vois …
Regarde mieux et tu verras …
Source texte et photo : Theracoach-forum.com