Qui a dit : « Parmi les pauvres les plus maltraités se trouve notre terre. ?[1]»
Trois découvertes étonnantes :
1. La première dans le Gers : l’Agroforesterie et les Vers de terre
Après les conférences communes avec Pierre Rabhi à l’Ecole d’ingénieurs agronomes de Purpan, j’étais le lendemain dans le Gers avec des spécialistes de l’Agroforesterie- www.arbre-et-paysage32.com. Une rencontre passionnante des agriculteurs de terrain qui ont compris comment se libérer des trop nombreuses contraintes de l’agriculture productiviste. Elle ruine de nombreux agriculteurs et la santé du plus grand nombre, quand l’agriculteur devient le premier acteur de ma mauvaise santé, alors qu’il peut être premier acteur de ma bonne santé.
A cette occasion Alain Canet le président de l’association d’Agroforesterie Française (AFAF) m’a offert un livre étonnant « Des Vers de Terre et des Hommes » publié chez Actes Sud par Marcel B. Bouché, spécialiste mondialement reconnu des Vers de Terre. J’ai dévoré cette oeuvre scientifique. Je vous en livre les points essentiels.
Sachez déjà que les Vers de Terre, présents depuis près de 250 millions d’années avant nous, les lombrix ou lombriciens, en creusant des galeries verticales et horizontales (jusqu’à 400 mètres linéaires par mètre carré) malaxent les sous sols remuant environ 270 tonnes de terre par hectare et par an.
Aristote parlait des ”intestins de la terre” et Darwin en 1837 décrivait depuis son jardin la formation de la terre végétale sous l’action digestive des vers de terre. Il dit même qu’on ferait mieux de parler de ”terre animale”.
Leur biomasse est en France 20 fois supérieure à celle des humains.
En troglodytes, ils s’adaptent comme nous aux conditions climatiques et aux saisons. Tous ensemble ils constituent le lombrimix qui correspond aux dépôts de leurs déjections dans et sur le sol autour des galeries qu’ils creusent. Ils migrent de 1 à 2 mètres par mois et en profondeur peuvent descendre à 1,50 mètre à 2 mètres, au maximum à 6 mètres.
Il y a 5 mètres carrés de galerie pour un mètre carré de sol superficiel. Leurs besoins métaboliques sont proportionnels à la température : zéro degré égale zéro besoin. Ils font mieux que labourer et drainer le sol, ils le vitalisent. Ils ingèrent et digèrent des tonnes de matériau à l’hectare.
« Leur principale action physique sur les sols est l’ingestion de matières (sol minéral, litière, humus, micro-organismes..) suivie d’un transit intestinal avec broyage et mélange de ces matières soumises à la digestion, puis déféquées en déjection dans et sur le sol. » Ainsi 221 kilos de sol transitent dans un kilo de vers de terre par an.
Quoique aveugles, ils tiennent compte de la durée du jour, fuyant la lumière, ils régulent comme beaucoup d’animaux et de plantes leur rythme saisonnier d’activité sur la durée du jour.
Paradoxe, ils sont photophobes mais certains émettent de la lumière. Pourquoi cette bioluminescence ? Protection des prédateurs ou signe de reconnaissance pour d’affriolantes rencontres, pense l’auteur. Ils filent en surface 20 à 40 cm en avant, quand ils sont poursuivis par une taupe.
L’Homme écrit Bouché ignore souverainement la première masse animale de nos milieux et n’a ni perception sensible ni intelligence des relations entre les humains et les lombriciens … ils subissent les conséquences des actes humains dans les écosystèmes : bouleversements mécaniques du type labour à l’usage des pesticides, non seulement toxiques pour beaucoup d’entre eux, mais créant par effet herbicide un appauvrissement de leur diversité nutritionnelle… Le lombrimix représente près de 1000 Tonnes à l’hectare.
C’est en Guadeloupe que Bouché a trouvé la biomasse lombricienne la plus élevée de France soit 7 tonnes par hectare.
L’ensemble de l’azote ingéré – toutes formes non gazeuses confondues – représente 2300 kilos d’azote par hectare soit près de 10 fois la valeur des apports que font les agriculteurs aux champs.
Ainsi Bouché compare le sol à une gigantesque fromagerie au service des plantes qui travaillent en symphonie avec nos amis les lombriciens, pour mieux nous servir en produits végétaux de qualité.
Les vers de terre sont donc avec les plantes et les micro-organismes, les trois principaux acteurs biologiques des écosystèmes émergés.
2. La deuxième au Théâtre national de Nice : un spectacle pour tous
J’étais invité à voir l’excellente pièce mise en scène par Irina Brook ”Terre noire”, préfacée par Pierre Rabhi.
Ces deux évènements évidemment se rejoignent. Ils sont orientées vers notre Santé, et ce qui est logique celle de notre environnement.
Terre Noire, avec des acteurs remarquables, présente parfaitement comment les grands groupes semenciers rachètent pour rien aux paysans endettés leurs terres cultivables. Ils leurs font signer des contrats complexes qui les obligent à racheter chaque année la semence. Au nom d’une légitime aspiration au progrès, sont imposées les cultures OGM, en brevetant les semences rachetées chaque année aux grands semenciers.
Rappelons qu’en 2013, le prix mondial de l’alimentation a été décerné à un scientifique de Monsanto, pour ses recherches sur les OGM.
Tout scientifique devrait applaudir.. sauf que…
Je dois vous dire ce qui vous est caché.
D’abord contrairement à ce que les médias répètent comme des perroquets avec leurs médecins-journalistes, liés directement ou plus finement indirectement aux lobbies – les OGM 25 ans après leur commercialisation ne créent en aucun cas un approvisionnement alimentaire plus nutritif ou durable.
Ils ont été développés pour résister à un herbicide spécifique, ou pour lutter contre les insectes. Ces cultures sont surtout rentables pour les semenciers. Pour les agriculteurs – le plus souvent non avertis – au contraire, elles créent la dépendance aux semences qu’il faut racheter tous les ans, avec engrais et produits chimiques ajoutés qui détruisent les sols.
En plus les OGM ne réduisent pas la dépendance du secteur agricole face au pétrole et à l’eau, en même temps que ces ressources deviennent plus rares et inquiètent toute la planète.
Évidemment les ingénieurs du génie génétique et les experts des ministères affirment avec assurance, mais sans preuves réelles, le potentiel nutritif et écologique des OGM, tandis que des doutes de plus en plus sérieux apparaissent.
Contrairement à ce qui est dit ces produits sont d’un coût prohibitif pour les agriculteurs, en particulier ceux des pays en développement. Les OGM ne luttent donc pas contre la pauvreté dans le monde.
Actuellement des experts ouverts aussi au potentiel nutritif et à l’écologie vérifient avec les paysans eux-mêmes les résultats positifs de l’Agroécologie, et en particulier de l’agriculture biologique, de la biodynamique et de la permaculture qui consomment moins d’énergie et émettent moins de gaz à effet de serre.
C’est aujourd’hui démontré le vrai bio fournit des aliments de meilleure qualité nutritionnelle, améliore la santé des sols, favorise la biodiversité et rend aux agriculteurs leur indépendance économique. Ainsi de plus en plus d’agriculteurs vont se libérer du modèle économique de Monsanto et autres semenciers qui abiment la planète sous des prétextes fallacieux.
Le géologue Ghislain de Marsily, membre de l’Académie des Sciences écrivait le 17 décembre 2011 dans un article intitulé La Terre pourra-t-elle nourrir tous ses habitants en 2050 [2] : « Si elle était bien répartie la production agricole mondiale pourrait fournir aujourd’hui à chaque terrien, un régime équilibré à 3 000 Calories par jour, dont 500 d’origine animale (viande, œufs, laitages, poisson) ».
Le livre de Jean Philippe Feldman de 2011 [3] rejoint celui de René Lenoir en 1984 qui déjà démontrait que le tiers-monde pouvait se nourrir au siècle dernier. Il suffit de l’organiser intelligemment et de ne pas voir le tiers-monde comme des terres, des réserves minières et des peuples à exploiter.
Les manifestations en août 2011 en Inde [4] contre la biopiraterie du lobby Monsanto pour avoir mis au point une aubergine génétiquement modifiée, sans avoir demandé l’autorisation, sont très signifiantes. Après le coton et les aubergines, Monsanto comptait imposer les oignons OGM [5]. Les paysans acculés, dont certains n’ont d’autre issue que le suicide, doivent emprunter aux banquiers exploiteurs aux risques de perdre leur terre. Ainsi se réveille le grand public. Celui-ci se découvre de plus en plus exploité par des lobbies puissants qui payent à des prix astronomiques des publicités mensongères, des allégations nutritionnelles fantaisistes.
Nous devons donc tout faire pour consommer les produits de proximité, acheter au plus près de l’agriculteur, premier acteur de notre santé.
3. La troisième découverte en Suisse : un Référendum fédéral le 28 février sur tout le pays pour ”stopper la spéculation sur les denrées alimentaires”
Des organisateurs hors-pair ont réuni à Aigle 1000 personnes fort intéressées par la conférence sur le thème des relations entre l’Alimentation et les Maladies de civilisation. Ils ont récolté dans cette seule soirée près de 18 000 Euros que je leur ai conseillé de transmettre à des associations de lutte contre les cancers d’adultes ou d’enfants.
Ces associations ont refusé puisque ”le Pr Joyeux est contre les vaccins”, ce qui est totalement faux. Ils n’ont pas lu la pétition « Vaccin obligatoire : les Français piégés par la loi et les laboratoires ! » actuellement signée par 865 000 personnes !
J’ai donc proposé avec joie que la somme soit intégralement versée à une nouvelle association qui forme des chiens pour accompagner des personnes handicapées ou en fin de vie.
En Suisse, une initiative populaire a réuni 115 942 signatures valables et nécessaires pour imposer ”une votation populaire fédérale” le 28 février prochain sur tous les Cantons.
La demande était claire : « Pas de spéculation sur les denrées alimentaires. »
Il est certain que la spéculation qui crée la misère est mauvaise et exige de trouver un accord efficace international. La volatilité des prix sur les marchés des céréales est certainement influencée par la spéculation. Ainsi l’évolution imprévisible des prix est dévastatrice pour les petits paysans. Les financiers et les banques spéculent sur la hausse des prix à long terme ou sur des variations de prix à court terme.
C’est donc cette spéculation de ces groupes, totalement séparée du commerce physique qui est nuisible et doit être réglementée. Jusqu’en 2000, 20% des contrats étaient de nature spéculative, leur part actuellement est de 80%.
En 2008 la crise alimentaire a fait passer rapidement le chiffre de personnes affamées de 100 millions à 1 milliard ! Les raisons en étaient que le prix des denrées alimentaires de base avait fortement augmenté en raison des mauvaises récoltes après sécheresses et inondations.
La spéculation avec le blé et le riz a provoqué une flambée des prix, qui a conduit à la régression de la lutte contre la pauvreté et à des troubles sociaux. Dans les pays en voie de développement 60 à 80% des revenus sont destinés à l’alimentation.
Malheureusement le sujet à propos de la spéculation n’a pas atteint la majorité des votants Suisses, car certainement mal présenté. Surtout la Suisse ne pouvait s’isoler du reste du monde dans cette matière financière qu’elle a toujours su exploiter au maximum. Cela reste cependant un bon premier pas. Il faut du temps pour faire passer une idée et encore plus pour qu’elle devienne réalité.
Remarquons aussi que, ”Notre système économique n’incorpore plus mais expulse ». C’est ce que développe la Néerlando-Américaine Saskia Sassen dans son nouvel essai ”Expulsions” [6] . Elle démontre que des millions d’agriculteurs dans le monde ont été expulsés de leurs terres en raison d’un fort mouvement spéculatif : plus de 200 millions d’hectares ont été ainsi acquis par des investisseurs ou des gouvernements étrangers depuis 2006. Nos économies politiques avancées ont créé un monde où la complexité a trop souvent tendance à générer une brutalité primaire.
Sans être naïf, comme les poissons roses et certains rêveurs qui veulent des rémunérations sans travail, il ne s’agit pas de faire la révolution, mais de mener comme les colibris de Pierre Rabhi de très nombreuses petites interventions très pratiques. Saskia Sassen propose « Il faut donc boycotter les entreprises franchisées et relocaliser pour redonner vie à l’économie.»
La très grave crise agricole actuelle est parfaitement explicable. Ses solutions sont dans les choix actuels et à venir de l’Agroécologie, qui doivent faire travailler ensemble agriculteurs et consommateurs pour le Bien et la Santé de tous.
Belle semaine à vous tous
Professeur Henri Joyeux
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Sources :
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