Additifs chimiques, sucres cachés, mauvaises graisses et emballages polluants vont peu à peu disparaître de nos tables. Les géants de l’agroalimentaire n’ont pas le choix, entre les normes sanitaires et environnementales toujours plus sévères et les exigences des clients. «Les industriels explorent deux pistes : les modes de cuisson préservant les saveurs et les ingrédients naturels riches en nutriments», explique Bruno Goussault, directeur du Centre de recherche et d’études pour l’alimentation. Du sain, mais du bon !
Light : Les chips perdront leurs matières grasses
Cocorico ! Ce chantier occupe plusieurs équipes américaines depuis des années, mais nos chercheurs tricolores ont une longueur d’avance : en partenariat avec deux équipementiers, Auriol et Femag Industries, le Cirad, un centre de recherche agronomique, a créé un nouveau process industriel de friture (l’huile est libérée après cuisson) qui permet d’obtenir des chips vraiment light, attendues en rayon en 2014.
Fruits : Des variétés exotiques se banaliseront
Acérola, açaï, guarana : pour la plupart originaires du Brésil et bourrées d’antioxydants et de vitamines B ou C, ces baies, rebaptisées «super fruits», vont débarquer en force dans les boissons, les biscuits et les desserts lactés.
Danone teste actuellement ses premiers yaourts à l’açaï sous sa marque bio américaine, Stonyfiled.
Le groupe a aussi créé une boisson aux cerises acérolas, avec 200 mg de vitamine C par canette, l’équivalent de six oranges.
Nom de code : Chiquita. Marchés tests : Luxembourg et Belgique.
Protéines : Les insectes remplaceront le steak
«Vous reprendrez bien un peu de sauterelles ?» D’ici cinq ans, cette question pourrait bien ponctuer vos dîners entre amis. Les Asiatiques connaissent depuis toujours les qualités nutritives des insectes (protéines, lipides, sels minéraux). Face au coût écologique de l’élevage intensif de bovins, de nombreux labos, notamment en Thaïlande, planchent sur des techniques de reproduction à grande échelle de grillons, sauterelles et charançons. Et une start-up hollandaise, Bugs Organic Food, teste des barres de muesli aux larves de coléoptères et des nuggets aux vers. Si cela ne prend pas chez nous, il y aura là de quoi nourrir les poissons d’élevage ou les volailles.
Emballage : Le plastique d’origine végétale ne polluera pas
Diminuer la dépendance au pétrole, réduire l’impact sur l’environnement tout en améliorant la conservation des aliments : une vingtaine d’industriels de l’emballage et de l’agroalimentaire, réunis depuis 2007 dans l’Association Chimie du végétal, phosphorent sur des plastiques «biosourcés» (amidon, pomme de terre, canne à sucre). Chez Roquette, une multinationale familiale du nord de la France, une quarantaine de chercheurs (dotés d’un budget de «plusieurs dizaines de millions d’euros», selon Pascal Moritz, pilote du projet) a mis au point une résine à base de blé. Elle serait très performante dans les films étirables et sa fabrication affiche un bilan carbone nul, contre 2 kg de CO2 émis pour obtenir 1 kg de plastique.
Arômes : Ils seront mieux préservés par de nouvelles techniques culinaires
Retenez bien ce nom : la cryoconcentration. «Elle permet de capturer les arômes par le froid», explique Bruno Goussault, patron du Centre de recherche et d’études pour l’alimentation. Lait ou jus de fruits sont transformés en sorbet puis «essorés» pour recueillir un concentré au goût décuplé. Les méthodes de cuisson des plats cuisinés, aussi, vont évoluer. «A très basse température et longtemps, précise Bruno Goussault. Cela donne des viandes ultrajuteuses, la sauce devient presque inutile.» Fleury Michon et son chef attitré, Joël Robuchon, travaillent d’arrache-pied à une nouvelle ligne de plats préparés selon ces techniques très innovantes.
Régime : Des yaourts pour seniors limiteront les kilos superflus
Un budget de 1,5 million d’euros sur trois ans et des accords avec quatre labos du pôle de compétitivité Vitagora : Senoble a mis le paquet pour son premier yaourt aux antioxydants, efficace contre la prise de poids des seniors (leur métabolisme ralenti a tendance à stocker les graisses). «Les études sur les souris sont très prometteuses, assure Patrick Falconnier, directeur de l’innovation & qualité du numéro 3 français des produits laitiers. On attaque les études cliniques sur 150 personnes fin 2011 pour une commercialisation mi-2013.»
Cœur : L’extrait de tomate aidera à prévenir les maladies cardio-vasculaires
Après huit ans de recherche, une start-up écossaise spécialisée dans la nourriture médicale, Provexis, a mis au point un additif, le Fruitflow, à base d’extraits de tomates. Les essais cliniques ont prouvé qu’il avait un effet direct sur la régulation du flux sanguin, donc sur la prévention des accidents cardio-vasculaires. Son aspect sirupeux et rouge foncé le rend impropre à une utilisation dans les produits laitiers. En revanche, elle intéresse au plus haut point les fabricants de boissons. Coca-Cola, par exemple, a passé un accord exclusif avec cette équipe de chercheurs pour peaufiner le premier soft drink «bon pour le cœur». Mais rien ne sera en rayon avant trois ans minimum.
Graisse : Les microalgues remplaceront les œufs
Des sablés au goût intact, mais deux fois moins gras que les «pur beurre» classiques. Ou bien des glaces au chocolat toujours à se damner, mais affichant 38% de calories en moins… «Grâce à nos farines de microalgues, bourrées de protéines et d’oméga 3, les industriels vont pouvoir réduire l’utilisation des œufs et des matières grasses sans perdre en saveur et en offrant un meilleur apport nutritionnel !», affirme Anne Cortier, directrice du programme de nutrition-santé chez le très secret Roquette. Ces microalgues sont si prometteuses que le leader mondial de l’amidon n’a pas hésité à s’associer avec une start-up californienne en biotechnologies, Solazyme, pour les commercialiser. Les tests sur les muffins seraient, paraît-il, «bluffants». Les premiers gâteaux gourmands mais light devraient débouler fin 2012 aux Etats-Unis et d’ici trois ans en Europe.
Goûts : Des pommes seront parfumées pour prendre un arôme de raisin
Mise au point par un des plus gros arboriculteurs américains, C & O Nursery, la Grapple pourrait bientôt arriver sur nos étals. Pomme au goût de raisin, d’où son nom (raccourci entre «grape» et «apple»), elle n’est pas née d’une perfusion d’OGM ni d’un tour de passe-passe génétique. Conçue pour inciter les enfants à manger plus de fruits, il s’agit simplement d’une fuji trempée après récolte dans un bain de jus de raisin qui lui en donne l’arôme.
Nathalie Villard