Une petite fée d’ébène – réfléxion conscience d’une insulaire.

Transmis par Joeliah le 28 - mars - 2012

La vie est différente selon les régions. Alors que certains sont encore en hiver, d’autres voient le printemps arriver avec joie et d’autres sont au chaud toute l’année.  Voici une belle réflexion chaleureuse de Véronik qui habite l’Île Maurice où la vie s’écoule plus doucement…

Une petite fée d’ébène.

Assister au spectacle du jour qui prend congé de nous fait partie des petits bonheurs simples que la nature nous offre généreusement… c’est cadeau !

Enfant , je pensais que le soleil , ayant terminé sa journée, descendait et se laissait glisser sous ses draps de mer ; tout comme moi qui me glissais sous mes draps pour la nuit.
Je pensais aussi que le « BonDieu », avec ses très grandes mains, tirait les rideaux du ciel pour la nuit , tout comme ma mère le faisait dans ma chambre. Il était l’heure de dormir. Les astres en avaient décidé ainsi et veillaient .

Assister au spectacle de la nuit qui commence sa veillée.. tout en douceur, sans se presser.
Il y a comme un temps d’entre-deux… pour notre plus grand bonheur à tous.
Cet astre magnifique annonce sa descente en teintant le ciel d’une vaste palette de couleurs… se succédant, se superposant…transparence et profondeur.

Mes yeux de peintre essaient d’enregistrer le tout… du jaune feu à l’aigue-marine. Aucune touche de bleu pour la mer …

Mon amie, assise à mes côtés, pense tout haut : « on va chercher quoi ailleurs, quand on a tout ça ?

Tout est ici, là … maintenant… j’ai une impression de perfection. La reconnaitre est une forme de prière… prière des yeux… prier avec les yeux, reconnaitre l’ infiniment beau. Contemplation. Célébration.

Une petite fée d’ébène sortie de l’eau, au maillot multicolore, passe en courant devant moi, un coquillage à la main, suivie d’une autre sautillant gauchement sur les coraux tout blancs, la peau luisant de mer et la bouée encore autour de la taille. Bonheur simple, complet … coeurs d’ enfants, rires d’enfants, jeux d’enfants…

Le décor change à nouveau… rose-vermillon… une aquarelle de verts dans le ciel. ..
« Combien de minutes tu penses ? » me demande mon amie en regardant ce disque d or …

Combien de minutes jusqu’à l’eau ?…

Toute la plage assiste au spectacle du jour qui prend congé de nous… debout sur le sable ou pieds dans l’eau, confortablement assis… ou juste arrivés au bon moment.

La nuit s’ annonce en plaçant une trame de bleu-argente en arrière plan. Les pirogues se posent, immobiles sur leurs reflets… même la mer semble avoir terminé sa journée. Les promeneurs deviennent silhouettes. Tout ralentit .. entre jour et nuit, les couleurs s’estompent, le bruit aussi.

Je repense au « BonDieu » de mon enfance, avec une nuance que je n’avais pas perçu alors. Avant de tirer le rideau sur la lumière du jour, il tire d’abord… un voile. Ce temps d’entre-deux que je vois ce soir… ciel lavande au reflets d ‘or.

Le soleil après avoir ralenti sa descente semble lâcher prise à la gravite… et se décide tout d’un coup de se laisser glisser rapidement. Laisssant accroché aux nuages, un souvenir coloré de son passage, jaune ananas.

Quelques mamans essaient, sans trop de succès, de faire sortir les enfants de l’eau.
Une famille s’installe non loin de nous pour une grillade… une grand-mère tient un minuscule petit bonhomme par la main… ils se disent des choses.
Je ne vois plus ma petite fée d’ébène ,sans doute enveloppée dans une grande serviette, épuisée de sa journée « borlamer ».

Le bleu profond du ciel sur ma tête va tout doucement s’étirer jusqu’à l’ horizon… je cherche la lune entre la cime effilochée des fialos… pas encore. L’un ne vole pas la vedette à l’autre. Le jour n’est pas tout à fait à oublié .

En quittant la plage, dos à la mer, je la vois enfin devant moi… on ne voit qu’elle… une magnifique lune de nacre… Le  » BonDieu » a tiré le rideau du ciel… la nuit peut commencer sa veillée.
Ce soir une belle lune toute ronde veillera sur les rêves d’ une petite fée d’ébène .
Véronik de l’île Maurice.

Photo Ger Spendel.  Merci.