Mamie Gagi

Transmis par Joeliah le 21 - janvier - 2013

Avez-vous encore votre grand-mère ? Lui avez-vous dit ‘je t’aime’ récemment ? Et à celle(s) qui sont déjà de l’autre côté du voile, pensez-vous à elles ? A leur dire que vous les aimez, ou simplement merci d’avoir permis d’être en vie aujourd’hui et de vous avoir donné ce qu’elles ont pu ? Notre société oublie souvent les grands-parents, leur sagesse, leur importance…

Voici la belle histoire de Mamie Gagi :

D’aussi loin que remontent mes souvenirs, j’ai appelé ma grand-mère Gagi. « Gaga » a été le premier mot qui est sorti de ma bouche lorsque j’étais bébé, et ma fière grand-mère était persuadée que j’essayais de dire son nom. Depuis ce temps, elle est restée ma Gagi.

À la mort de mon grand-père, alors âgé de 90 ans, mes grands-parents étaient mariés depuis plus de 50 ans. Gagi ressentit la perte cruellement. Son centre d’attraction avait disparu de sa vie; elle se retira du monde et entra dans une longue période de deuil. Sa peine dura près de cinq ans, et pendant ce temps je pris l’habitude de lui rendre visite toutes les semaines ou aux deux semaines.

Un jour je rendis visite à Gagi, m’attendant à la trouver dans l’état passif habituel que je connaissais bien depuis le décès de mon grand-père. Au contraire, je la trouvai assise, rayonnante, dans son fauteuil roulant. Comme je n’avais pas été assez rapide à commenter son changement d’attitude évident, elle me provoqua.

« Ne veux-tu pas savoir pourquoi je suis si heureuse? N’es-tu pas curieux? »

« Bien sûr, Gagi, m’excusai-je. Pardonne-moi de n’avoir pas réagi assez vite. Dis-moi, pourquoi es-tu si heureuse? Pourquoi cette nouvelle attitude? »

DSC_0006T - Valérie Reine« Parce que, la nuit dernière, j’ai obtenu une réponse, déclara-t-elle. J’ai enfin compris pourquoi Dieu a pris ton grand-père et m’a laissée derrière, seule et sans lui. »

Gagi était toujours pleine de surprises, mais je dois admettre que j’étais renversé par cette déclaration. « Pourquoi Gagi? », dis-je enfin.

Alors, comme si elle livrait le plus grand secret du monde, elle baissa le ton, se pencha vers moi dans son fauteuil roulant et me confia doucement : « Ton grand-père savait que l’amour est le secret de la vie et il le vivait tous les jours. Il était devenu l’amour inconditionnel en action. Je connaissais l’amour inconditionnel, mais je ne l’avais jamais vécu pleinement. C’est pourquoi il est parti en premier et pourquoi je devais rester derrière. »

Elle s’arrêta comme si elle pensait à ce qu’elle allait dire, puis continua : « Tout ce temps, j’ai cru que j’étais punie pour quelque chose, mais la nuit dernière j’ai découvert que le fait que je sois restée était un cadeau de Dieu. Il m’a laissée sur terre pour que je puisse transformer ma vie en amour. Tu vois, continua-t-elle, en pointant un doigt vers le ciel, la nuit dernière j’ai compris que les leçons ne s’apprenaient pas là-haut. L’amour doit se vivre ici, sur la terre. Une fois parti, il est trop tard. On m’a fait le don de la vie afin que j’apprenne à vivre l’amour ici et maintenant. »

À partir de ce jour, au fil des histoires de Gagi, chaque visite devint une nouvelle aventure. Une fois, alors que j’étais là, Gagi frappa sur le bras de son fauteuil avec animation et dit : « Tu ne devineras jamais ce que j’ai fait ce matin! »

Quand je répondis que je ne pouvais pas deviner, elle poursuivit avec fébrilité : « Bien, ce matin ton oncle était contrarié et fâché contre moi à propos d’une chose que j’avais faite. Je n’ai même pas bronché! J’ai reçu sa colère, je l’ai enveloppée d’amour et je la lui ai retournée avec joie. » Ses yeux brillaient lorsqu’elle ajouta : « C’était même plutôt amusant, et sa colère a disparu. »

Bien que la course inexorable du vieillissement se poursuivit, sa vie avait pris un tout nouveau sens. Visite après visite s’accumulaient les années au cours desquelles Gagi mettait en pratique ses leçons d’amour. Elle avait trouvé une raison de vivre, une raison pour continuer de grandir pendant les douze dernières années.

Dans les derniers jours de sa vie, je lui rendis souvent visite à l’hôpital. Comme je marchais vers sa chambre un jour, l’infirmière de service me regarda dans les yeux et dit : « Votre grand-mère est une dame très spéciale, vous savez… elle est une lumière ».

Oui, un but a éclairé sa vie et elle est devenue un phare pour tous ceux qui l’entouraient, jusqu’à la fin.

D. Trinidad Hunt
photo Valérie Reine – Merci.