Professeur Henri Joyeux : La santé ne se résume pas à la santé de chacun de nos organes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) précise bien qu’il s’agit de la santé du corps, de l’esprit et de la vie relationnelle. Être en guerre avec son voisin, son pays ou soi-même perturbe vite la santé. Les conséquences en sont multiples. Le stress agit sur tous nos organes, le tube digestif en priorité : l’estomac irrité jusqu’à l’ulcère, le reflux gastro-œsophagien qui brûle jusqu’au cancer, la rectocolite qui pleure le sang au goutte-à-goutte.
Ainsi les burn-out se multiplient dans toutes les professions et les familles.
Pour apaiser, réduire les tensions si puissantes de ce monde, point besoin d’aller très loin, à une heure et demie de Montpellier, en avion direct, low cost, vous voilà dans la ville jumelle, Fès, héritière de l’Andalousie médiévale où juifs, chrétiens et musulmans s’enrichissaient de leurs expériences et de leurs différences.
Pour la cinquième année consécutive, j’ai participé comme intervenant à ce magnifique festival qui s’améliore d’année en année. « L’Esprit de Fès », animé par notre grand ami Faouzi Skali [1], c’est une bouffée d’air pur dans le monde où règnent tant de brutes et d’ignorants inconscients.
Ce monde dit hyper-développé, orgueilleux et stupide, voit se développer à toute vitesse de plus en plus de maladies de civilisation : diabète, obésité, cancers et maladies auto-immunes, des rhumatismes à l’Alzheimer, sans parler des maladies psychiques qui envahissent les cabinets des psys. Évidemment, pas un mot de prévention au sommet de l’Etat. Il ne voit pas ce que cela pourrait lui rapporter en termes d’économies ou de réélection. Ses conseils de prévention ne sont que des vœux pieux. Priorité aux lobbies pharmaceutiques à la recherche de nouvelles molécules, de vaccins de rêve, pour tenter de sauver ce qu’il reste de la santé en promettant Alzheimer et Parkinson à tous les anciens et l’euthanasie quand vous ne servez plus à rien.
Priorité aussi aux lobbies des phytosanitaires, pourvoyeurs de pesticides toxiques qui poussent les états et l’Europe à interdire les remèdes naturels et plantes qu’ils ne possèdent ni ne maîtrisent, au détriment de la santé des agriculteurs qui ne sont plus libres d’utiliser les plantes naturelles et sauvages traditionnelles, à bon escient évidemment.
Priorité aux lobbies de l’agro-alimentaire qui ont détourné et cloné les semences au détriment des paysans et de leur liberté de semer ce qu’ils ont récolté, et nous formatent à consommer leurs produits pour nous “faciliter” la vie, au détriment de notre santé… et de notre porte-monnaie.
Comme si les comportements propices à une bonne santé n’existaient pas !
Au festival des musiques sacrées du monde, à Fès, vous êtes emportés dans un autre monde, où vous sont offertes la paix et la santé de tout l’être. Celles dont tous les peuples rêvent. Ils l’attendent !
Les musiques peuvent abattre les murs les plus tenaces de la peur, de la haine et de l’angoisse. Musiques du monde, hébraïque et chrétienne, arabo-andalouse, indienne, arabe du Maghreb et d’Iran, d’Afghanistan et du Kazakhstan, du Pakistan mais aussi de Chine, musique grégorienne et latino, euro-méditerranéenne, euro-sud-africaine et Sénégalaise sont le plus court chemin pour relier les cœurs. Un enchantement !
La musique révèle le monde. De par sa dimension spirituelle et universelle, elle est un appel à la transcendance, mémoire et aspirations communes au bien-être auquel chacun aspire.
Dès l’inauguration du 20e Festival de Fès 2014, c’est le splendide spectacle du Cantique des Oiseaux, à partir du conte mystique du XIIIe siècle de Farid Ud-Din Attar.
Comment la huppe un jour a décidé de réunir tous les oiseaux – nous-mêmes – pour les inviter à un long voyage, à l’issue duquel ils doivent rencontrer le Simorgh, le roi des oiseaux. Le spectacle inaugural grandiose conçu par Leila Skali fut un enchantement, avec ses Sept vallées du désir : la quête, l’amour, le savoir, la liberté, la solitude, la perplexité et l’anéantissement dans l’océan de l’amour.
C’est bien l’aventure humaine qui nous est contée, celle de l’histoire de l’humanité en quête de sens dans des langages multiples… invitant à cheminer ensemble. Car le chemin est aussi important que le but.
Comme la cigogne apporte la pluie, signe d’abondance au Sahel, on apprend à Fès non pas à posséder la terre pour l’exploiter, mais à l’habiter. Et plus on est petit, plus on peut atteindre l’infini. Difficile de vivre sans savoir où l’on va ni d’où l’on vient.
À Fès, la parole est ouverte, bienveillante, accueillante, à fois spirituelle et concrète. La santé de tout l’Être est à l’œuvre. Nul doute que le jumelage de Fès avec Montpellier ouvre des perspectives pour ce festival de part et d’autre de la Méditerranée. L’Esprit de Fès rejoint celui de nos vieux maîtres montpelliérains, lorsque les médecins arabes se joignaient aux juifs et aux chrétiens pour aborder le corps malade.
Cela à l’heure où, chez nous, la spiritualité est encore proscrite par l’Etat, au nom d’une laïcité étriquée qui paralyse les mentalités, resserre les cœurs, stimule et oppose les communautarismes et les familles.
C’est le retour trente-quatre siècles en arrière aux conservatismes des idoles palpables du veau d’or et de ce qui l’entoure. L’angoisse de l’homme de ce siècle cherche à être réduite, par le fric vite gagné – tous les moyens sont bons –, les addictions aux plaisirs éphémères, sucrés ou sexuels. Au bout du chemin, les maladies : surtout ne changez pas vos habitudes. Continuez dans vos comportements d’adulescents incultes, votre santé est prise en charge ! Le malheur c’est que cela ne comble en rien les profondeurs de notre être, en particulier lorsqu’il est confronté à la maladie et à la mort.
Les causes de nos « maladies de civilisation » sont pour la plupart identifiées : des comportements consommateurs à outrance qui, de plus, peuvent se transmettre de génération en génération. L’épigénétique, c’est démontré aujourd’hui, peut actionner la génétique !
L’Etat ne sachant pas lui-même où il va, sauf à garder son pouvoir, diffuse cette fumée qui encombre corps et âme. Comment s’en détacher sinon en refusant l’intégration stupide au monde des affaires qui oblige à consommer et déglingue la santé ?
À Fès, on ne s’occupe pas tellement de son corps physique. La force de l’esprit de Fès, endroit unique au monde, est de s’occuper non plus de ses misères corporelles ou de leurs causes, mais de la partie de notre être enfoui, celle qui apaise tout le reste. Notre âme, si souvent exprimée par les meilleurs guides spirituels des siècles passés !
À Fès, nous sommes loin de penser comme ce chirurgien limité à ses dissections qui affirmait au temps de Napoléon qu’il n’avait pas trouvé l’âme sous son scalpel, ou comme Youri Gagarine, premier cosmonaute affirmant soviétiquement qu’il n’avait pas rencontré Dieu en tournant autour de la terre !
À Fès se rejoignent les grands noms qui nourrissent notre âme : Abraham et Moïse avec ses dix Paroles qui donnent le code à notre humanité, Joseph – vendu aux Égyptiens par ses frères – devenu Premier ministre de Pharaon, le persan Attâr, poète des oiseaux, Choaïb Abou Madyane El Andaloussi dit “Sidi Boumediène”, considéré comme un pôle du soufisme en Algérie et au Maghreb qui disait : « Quand la Vérité apparaît, elle fait tout disparaître ! » Évidemment, l’Emir Abd El Kader né près de Mascara, mort à Damas après avoir sauvé du massacre des milliers de chrétiens, le grand Afghan le Commandant Massoud, lâchement assassiné comme Martin Luther King, et enfin le grand Nelson Mandela, sans oublier d’une manière aussi lumineuse la grande Thérèse d’Avila et la petite de Lisieux.
Notre corps psychosomatique est plus sensible qu’il n’y paraît à tant de nourritures spirituelles.
La santé de tout notre être ne peut se limiter à quelque organe ou cellules en trop…
N’oublions pas que nous ne sommes pas qu’un amas de cellules, mais des êtres uniques et de relation, destinés au bonheur.
Faites-le savoir autour de vous, vous en retirerez de la joie et votre santé n’en sera que meilleure.
C’est le message de l’Esprit de Fès.
Lettre du Professeur Henri Joyeux.