« Que le soleil ne se couche pas sur ta colère », écrivait le Sage il y a deux mille ans. Et aussi : « Avant que le soleil se couche, va te réconcilier avec ton frère ».
En langage symbolique, le coucher de soleil représente la mort de l’homme, son départ pour l’autre monde. On lui donne donc un délai suffisamment long, mais une fois ce temps écoulé, s’il n’a pas pu ou pas su résoudre son conflit, une fois « le soleil couché », il est trop tard.
Les personnes qui ont eu le malheur de perdre un proche avant d’avoir eu le temps de se réconcilier avec lui savent la douleur et l’éternel regret qu’il en coûte.
Ces paroles peuvent cependant aussi être prises au pied de la lettre.
Les conseillers conjugaux recommandent aujourd’hui à tous les couples qui veulent durer d’éviter de s’endormir le soir après une dispute non résolue.
Or, une nouvelle étude sur le cerveau parue dans la revue scientifique The Journal of Neuroscience, confirme que s’endormir avec des émotions négatives a pour effet de les renforcer, ou de les conserver. (1)
Dormir fixe les idées
Le sommeil, qui est sans doute un fruit de notre évolution, permet au cerveau de fixer les idées et d’inscrire dans la mémoire les souvenirs et expériences de la journée, en particulier les expériences émotionnelles.
Après un grave traumatisme, il est conseillé de ne pas dormir, pour éviter justement que les mauvais souvenirs ne se gravent trop bien dans la mémoire.
Dans l’étude citée ci-dessus, les scientifiques ont recruté 106 hommes et femmes et leur ont fait regarder des images choquantes ou, au contraire, neutres ou apaisantes.
Ils ont ensuite observé la réaction de ces personnes à ces mêmes images après avoir dormi, ou au contraire après avoir veillé 12 heures. Ils ont constaté que les personnes qui avaient dormi continuaient à ressentir des émotions tout aussi violentes face aux images choquantes, alors que celles
qui avaient veillé se sentaient nettement moins agressées.
D’autres études ont démontré (mais fallait-il que des « scientifiques » se mobilisent pour une telle évidence ?) qu’il est plus difficile de s’endormir après un choc émotionnel. Cette difficulté à s’endormir pourrait être un moyen pour notre cerveau d’éviter que le choc ne marque trop notre mémoire.
Films et tristesse
Le cinéma combine tous les moyens (scénario, images et sons) pour un impact émotionnel maximal sur le spectateur.Des dizaines de millions de personnes s’endorment tous les soirs de leur vie, et ce depuis le plus jeune âge, après avoir regardé un film.
Se pourrait-il qu’il existe un lien entre cette absorption massive d’émotions souvent violentes, juste avant le sommeil, et la pesante tristesse qui existe aujourd’hui dans nos sociétés ?
En 2012, 8 % des Français sont considérés comme dépressifs. Ils consomment collectivement 80 millions de boîte d’antidépresseurs par an. Selon le sociologue Alain Ehrenberg, le succès des antidépresseurs tient d’abord au sentiment d’impuissance dans lequel nous nous trouvons plutôt qu’à leur efficacité. (2)
Bien entendu, éviter les films trop chargés émotionnellement le soir, et nous réconcilier avec nos proches avant de nous coucher, ne fera pas disparaître le terrible problème de la dépression.
Mais ce sont des pas que chacun de nous peut faire vers une meilleure hygiène du corps et de l’esprit, pour une existence moins stressée, moins chargée d’émotions négatives, plus apaisée.
A votre santé !
Jean-Marc Dupuis
Sources de cet article : http://www.santenatureinnovation.fr et
(1) Baran B, Pace-Schott EF, Ericson C, Spencer RM, « Processing of
Emotional Reactivity and Emotional Memory over Sleep », The Journal of
Neuroscience, 2012 Jan 18;32(3):1035-42.
(2) « Let them eat Prozac, The Unhealthy Relationship Between the
Pharmaceutical Industry and Depression », New York University Press, 2004.
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